Écrit par Catherine Verlaguet
Création Sonore Laurent Sellier
Voix Marianne Schlégel
Elle est née en Allemagne, en 1921, dans la zone d’occupation française, d’un père juif-polonais et d’une mère française. Son grand-père était marseillais.
Un jour, elle avait douze ans, elle a accompagné sa mère à la pharmacie pour ramener une brosse à dent qu’elle venait d’acheter et qui était «made in Japan». Le Japon venait de signer un pacte avec les Italiens et les Allemands. « Toute marchandise achetée aux japonais finance les armes fascistes utilisées contre nous », a-t-elle entendue sa mère expliquer au pharmacien, qui a fini par lui donner une brosse anglaise en échange.
Son premier emploi, pour nourrir sa mère et ses frères, fut en tant que dactylo dans un journal de collabo: Les Nouveaux Temps. Quand elle l’a quitté, forte des relations qu’elle s’était faite au café de Flore (Sartre, Simone de Beauvoir, Prévert…), elle n’a pas eu peur de leur prédire qu’ils seraient tous fusillés.
Connue pour son franc parler, elle dit d’elle-même qu’elle est agressive, possessive, bordélique, jalouse, entière, colérique… et fidèle. Pour pouvoir faire du cinéma et avoir sa carte professionnelle, elle troque le nom juif de son père contre le nom français de sa mère.
A cette époque-là, elle épouse un réalisateur, un certain Allégret, avec lequel elle a une fille. Elle le quittera quelques années après pour son grand coup de foudre: Yves Montand.
On se souvient d’elle comme d’une grande actrice. Elle est la première femme française à recevoir un Oscar, pour Casque d’or. Sur la fin de sa vie, elle recevra aussi un César, pour La Vie devant soi.
On se souvient qu’entre les deux, elle s’est beaucoup mise de côté pour ne s’occuper que de Montand: elle était la première à dire qu’elle était fière que son homme plaise. Et jusqu’en Amérique, tout le monde savait qu’il plaisait.
La même année, elle a reçu l’Oscar, essuyé l’humiliation de la relation de Montand avec Marilyn Monroe, et pleuré la mort de son frère.
Certains ont parlé, après tout ça, de vieillissement prématuré.
Et de fait, oui, trop fière pour dire qu’elle était malheureuse, l’alcool et la cigarette ont emportés sa beauté plastique, mais non pas sa beauté de cœur. Jusqu’au bout, son sourire, ses yeux, son regard ont transpiré la franchise, et dit son engagement indéfectible pour ses idéaux humanistes. Car au fond, elle a toujours été bien plus préoccupée par l’état du monde et la condition des peuples que par les frasques de son mari.
Sur la fin de sa vie, elle s’est mise à écrire. Le titre de son premier ouvrage, une biographie, résume bien sa vie: La nostalgie n’est plus ce qu’elle était.
Son dernier ouvrage, qu’elle a écrit en étant déjà presque aveugle, Adieu Volodia, fut un best-seller et la plus grande fierté de sa carrière: un roman.
Elle est morte, malade, à 63 ans.
Elle s’appelait Simone Signoret.