Écrit par Aurore Evain
Création Sonore Laurent Sellier
Voix Marianne Schlégel
Aux grands hommes, les places et les boulevards ; aux grandes femmes, les bancs et les impasses. S’asseoir sur les droits des femmes ou leur faire obstacle est une pratique qui remonte à loin… mais donner le nom d’une femme à un banc public, c’est avant-gardiste!
La féministe mène son enquête sur les motivations d’un tel symbole. Je découvre que les bancs du souvenir sont une tradition au Royaume-Uni : on les dédie à celles et ceux qui nous manquent. Celui de Carmen Célérier, inauguré en 1998, fut le premier en France, et l’occasion pour le maire de l’époque, Roland Nadaus, de rendre hommage à celle qui consacra sa vie aux Guyancourtois et Guyancourtoises.
Grâce au souvenir de Carmen, ce banc nous fait voyager en place assise dans l’histoire du XXe siècle à Guyancourt : à quatre ans, lorsqu’elle s’installe au hameau de Bouviers avec ses parents, la ville est un village, et la première guerre mondiale éclate. Son père fait ses tournées de facteur à vélo, sa mère frappe le linge aux lavoirs des étangs, et Carmen fréquente l’école de la mairie. Puis l’Occupation apporte son lot de destructions, dont le bombardement de la salle des fêtes où elle assistait aux séances de cinéma. Enfin, la Libération : soulagement de voir l’aérodrome de Guyancourt délivré des nazis, joie de participer à la grande kermesse en l’honneur de la vache offerte par le maire. Elle a une trentaine d’années et rejoint les 3 % de conseillères municipales élues en 1945 : première et unique adjointe à l’époque, elle est réélue en 1947. Elle réside alors en face de l’église Saint-Victor, à côté de la brasserie.
Les maires passent, Carmen Célérier reste. Indéboulonnable comme ce banc.
(Quoique… c’est tellement discret, un banc, qu’un jour, entre nous… il a disparu. Par mégarde, lors de la rénovation de la place, on oublia de le remettre à sa place… Mais la mémoire de Carmen ne se laisse pas si vite effacée. Et le banc a réapparu…)
Jusqu’en 1977, Carmen Célérier œuvre pour la commune, solidaire des plus démuni.es, investie dans l’enfance et la petite enfance. Après cette date, elle poursuit ses engagements auprès des anciennes et anciens, et devient présidente du Club des retraité.es. Tout ça bénévolement, sans ménager sa peine, rappelle Nadaus : on la retrouve cantinière de l’école, assistante sociale, distributrice de « sandwichs militants » pour les grévistes, etc.
Bien sûr, vous me direz, aux femmes la petite enfance, les vieux, la solidarité, le dévouement, le bénévolat (et les bancs !)…
Raison de plus pour honorer son mérite. Après une vie si remplie, il lui fallait bien un banc, à Carmen Célérier, pour se reposer.
“On pensera à moi à chaque fois qu´on posera ses fesses ici » déclara-t-elle lors de son inauguration. Elle-même les y posa encore longtemps, car elle quitta ce monde, en 2011, à l’âge de 101 ans.”