Écrit par Catherine Verlaguet
Création Sonore Laurent Sellier
Voix Marianne Schlégel
Son vrai nom est Ella Kagan.
Elle est née en 1896 en Russie, d’un père avocat spécialisé dans les contrats d’artistes et d’une mère pianiste.
Les gens se rappellent d’elle en tant que compagne d’Aragon. Sa muse.
Pas seulement de lui d’ailleurs : Cocteau a écrit de très beaux poèmes en pensant à elle ! Agnès Varda a réalisé un court-métrage sur leur histoire d’amour avec Louis, Aragon ! C’est vrai que c’était une belle histoire.
Mais du coup, tout le monde a oublié qu’elle a été la première femme à avoir obtenu, en France, le prix Goncourt. Ce n’est pas rien quand-même !
Jeune, elle a étudié l’architecture mais elle a toujours fréquenté, le soir, les cercles littéraires.
Son premier mari était un officier français. Elle l’a suivi en France, épousé à Paris, et puis suivi à Tahiti – où elle a écrit son premier roman, en Russe. Mais elle s’ennuyait, là-bas.
Elle a quitté mon mari – dont elle a toujours gardé le nom.
Après quelques années passées entre Londres, Berlin et Moscou, elle est revenue s’installer à Paris. Elle n’a jamais cessé d’écrire. Jamais.
Seule à Paris, elle avait besoin de gagner sa vie ! Elle a créé des colliers pour des collections de hautes coutures, traduit des romans français en russe, écrit des reportages pour des journaux russes… Elle saisissait toutes les opportunités.
Elle avait pour ami Fernand Léger, Marcel Duchamps… Et elle a rencontré Louis, bien-sûr. Ils ne se sont plus quittés.
Elle a été sa muse ; il a été la sienne aussi.
Elle a écrit son premier roman en français en 1938. Il s’appelait « Bonsoir Thérèse ». D’autres ont suivi. « Le premier accroc coûte 200€ », son recueil de nouvelles, lui a valu le prix Goncourt en 44. Il vous faudrait le commander aujourd’hui, si vous vouliez le lire.
Pendant la guerre, elle a été une résistante active dans le Sud de la France. Certains se rappellent de ça aussi, la concernant : c’est à ce titre que certains bâtiments portent aujourd’hui son nom.
Elle a couvert le procès de Nuremberg, écrit des articles… Elle s’est beaucoup exprimée contre le stalinisme, jamais contre l’antisémitisme. Pourtant, en Russie, sa famille a été touchée de près ; le compagnon de sa sœur, assassiné. Mais elle-même d’origine juive, elle devait se protéger. Et puis elle voulait être vue comme une citoyenne de lettres engagée politiquement, pas comme une juive défendant les siens.
Aujourd’hui, elle repose en paix à côté de Louis, dans leur propriété en Yvelines.
Elle se demande quand même s’il se trouve dans l’Histoire un homme, un seul, connu pour avoir été celui d’une femme, davantage que pour son œuvre personnelle.
Elle ne croit pas, non. Elle ne croit pas.
Son nom est Elsa Triolet.