Écrit par Yoann Lavabre
Création Sonore Laurent Sellier
Voix Marianne Schlégel
Jeune chimiste éprise de justice, France Bloch n’admet pas le moindre écart entre la pensée et l’action. Elle s’engage au Parti Communiste en 1936 et y rencontre l’homme de sa vie, Frédérique Sérazin, ouvrier tourneur qui partage tous ses combats.
Quand la guerre éclate, le couple poursuit son action politique dans la clandestinité. Membre des bataillons de la jeunesse, Fredo est arrêté en mars 1940, quelques semaines après la naissance de leur fils, Roland. La jeune mère s’engage alors chez les Francs-Tireurs Populaires.
Exclue de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris suite à la Loi portant statut des Juifs, elle est renvoyée à ses fourneaux. Dans sa drôle de cuisine où la chimie n’a rien d’amusante, elle fabrique des bombes. Présente sur le terrain, elle participe aux premières opérations de dynamitage des voies ferrées : « Il faut que je vérifie la qualité de mes explosifs ! »
Sur les dents, la gestapo lâche ses chiens. Les miliciens traquent sans répit la terroriste que la fiche de la Brigade Spéciale des Renseignements généraux décrit ainsi : Sérazin, Françoise, née Bloch, de confession israélite (…) militante communiste active, 1m 58, environ 20 ans, visage gracieux, yeux de couleur foncés, cheveux chât[ain] clair. Parle sans accent un français choisi, type d’étudiante ou de bohême, vêtements soignés.
La jeune femme est arrêtée avec 68 camarades le 16 mai 1942. Elle est jugée à huis clos dans le secret le plus absolu par un tribunal militaire allemand qui la condamne à mort. C’est alors que France est déportée en Allemagne.
A la prison de Hambourg, elle écrit des lettres pour dire adieu à sa famille et à ses amis : Papa et Maman, Frédo, Monette chérie, tante Maimaine, Claude, Marianne et Michel, Gérard, mes chéries, vous tous, Berthe, tous ceux que j’ai aimés, Madame Dreyfus, beaucoup de camarades, Éliane, mes amis bien-aimés, Raymond, Louisette, Marie-Elisa, Jacqueline, tous, Fernand, Lisette, Francis, Laurence, Richard, Maurice, Jean-Louis, Eliane et Roland, Paulette, Alexandre, toute la famille. Elle va mourir dans quelques instants mais ne veut oublier personne : S’il y en a que je n’ai pas nommés, cela ne veut pas dire que je les oublie. Je pense à vous tous, tous. Je vous aime, mes amours, mes amis, mes chéris, mon Roland.
Elle est guillotinée le 12 février 1943, ignorant que ses lettres seront détruites sous le coup du décret Nacht und Nebel : aucune information ne doit être donnée sur son sort. Il ne suffit donc pas de l’assassiner : il faut qu’elle disparaisse, sans laisser de trace, dans la nuit et le brouillard.
Mais l’humanité se cache parfois là où on ne s’y attend pas. Émue par cette condamnée dont elle a la garde, la directrice de la prison, Friede Sommer, prend soin de recopier clandestinement deux de ses lettres avant que les autorités nazies ne les détruisent. Une fois la guerre achevée, elle les transmettra à ses parents, Marguerite et Jean-Richard Bloch. On y lit :
Je meurs pour ce pourquoi nous avons lutté, j’ai lutté ; tu sais comme moi que je n’aurais pas pu agir autrement que je n’ai agi : on ne se change pas.
Je meurs sans peur. (…) Je serai très forte jusqu’au bout, je vous le promets. Je suis fière de tous ceux qui sont déjà tombés, de tous ceux qui tombent chaque jour pour la libération.